Évolutions des cultures de ménopause
La ménopause a longtemps été un sujet médiatisé uniquement par le prisme médical à partir de symptômes. En lien avec la quatrième vague du féminisme qui souhaite repolitiser le corps et replacer le genre à l’agenda public et politique, la question de la ménopause se drape de nouvelles productions sociales. Elle devient un sujet d’actualité et de réflexion pour les profanes et les concerné.e.s qui s’émancipent des discours pré-existants et dominants.
Compte rendu de l’intervention de Cécile Charlap, sociologue au LISST, autour du projet ECUME, lors de la journée de restitution des projets sur les “mondes numérisés” organisée par le LabEx SMS le 3 mai 2024.
Depuis les années 2000, nous observons une augmentation des revendications sur des questions mêlant genre, corps et sexualité telles que les menstruations et la précarité menstruelle, l’endométriose, les violences gynécologiques, l’IVG ou encore les violences sexuelles. La ménopause vient s’inscrire dans ce contexte en devenant l’objet d’une nouvelle attention sociale et en connaissant des évolutions notables. En effet, jusqu’à récemment la ménopause se racontait principalement au travers de discours médicaux, souvent accablants, centrés autour du diptyque « symptômes/risques » sans prendre en compte les expériences de vie des concerné.e.s.
Aujourd’hui, nous voyons apparaître des productions culturelles (pièces de théâtre, film, documentaires et littérature), chose qui était encore difficilement envisageable il y a une quinzaine d’années. L’évolution se retrouve également du côté des sources et des prises de parole : jusqu’à présent, seuls les énonciateur.trice.s professionnel.le.s de santé avaient la légitimité d’énoncer la ménopause. On observe aujourd’hui de nouveaux espaces, qu’ils soient traditionnels (télévision, radio) ou en ligne (podcasts, site web, réseaux sociaux), qui permettent :
- d’émanciper les discours vis-à-vis du registre médical dominant
- d’édifier tout un ensemble de ressources, qui vont en supplément et parfois à l’encontre de la parole médicale, en proposant des alternatives.
L’enquête repose sur une méthode mixte, à savoir :
- Une analyse des discours portant sur la ménopause dans la presse généraliste de 2002 à 2023 (via Euro press) et sur les réseaux sociaux numériques ;
- Une enquête par questionnaire auprès de femmes et d’hommes qui portent sur les représentations et les pratiques ;
- Des entretiens réalisés auprès de professionnels de santé.
La première méthode a permis l’émergence de plusieurs points importants :
Le corpus francophone de près de 3000 articles1 a permis tout d’abord de voir l’évolution marquante, en vingt ans, du nombre d’articles sur le sujet. Des pics dans les publications se justifient par des évènements globaux et marquants où ont été mis en lien les traitements hormonaux proposés pour atténuer certains effets de la ménopause avec un plus grand risque de cancer, du sein notamment. Nous pensons ici par exemple à l’enquête WHI (Women Health Study) qui a eu lieu en 2002 ou encore la médiatisation de certains résultats issus de cohortes INSERM, tel que l’E3N en 2014.
Cette analyse de discours a mis en avant les sujets majeurs qui permettent d’appréhender les formes d’évolution des discours entourant la ménopause. Si le registre médical (symptômes/risques) reste prédominant avec la présence massive de l’étude WHI, de recommandations institutionnelles et des risques (dont hormonothérapie), de sujets sur les manifestations physiques de la ménopause (bouffées de chaleur, prise de poids et autre troubles), des articles et publications commencent à apparaître sur l’expérience vécue, allant au-delà des manifestations corporelles. Le sujet de la supplémentation et des alternatives naturelles est également une nouveauté notable.
Malgré ce renouvellement des discours et des représentations, le registre de la médecine reste une thématique centrale de la presse généraliste, qui ouvre peu ses pages aux enjeux féministes. L’hypothèse suivie par le projet ECUME est que les registres plus alternatifs se retrouvent plus facilement dans les espaces occupés par des profanes et personnes concerné.e.s, tels que les réseaux sociaux numériques. Un travail de collecte de données depuis des pages Facebook et Instagram va donc être amorcé afin de pouvoir vérifier si cette révolution se manifeste ailleurs.
Crédits : Freepik – lookstudio
- Choisis selon le critère d’avoir le mot “ménopause” dans le titre ou alors une présence importante dans le corps du texte. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Fanny Seffusatti (11 octobre 2024). Évolutions des cultures de ménopause. Questions de recherches. Consulté le 10 novembre 2024 à l’adresse https://recherches.hypotheses.org/3959
4 réponses
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